Dimanche des Rameaux
Is 50,4-7 ; Ps 21 ; Ph 2,6-11 ; Mt 26,14-27,66
La Semaine Sainte commence avec le récit de la Passion et de la mort de Jésus. Judas Iscariote va rencontrer les chefs des prêtres et fixe le prix de la trahison. Un détail que seul saint Mathieu souligne. Tout avait déjà été annoncé dans les Ecritures, même le prix de la trahison (Zac 11,12-13). La connexion entre le prix de la trahison et la prophétie de Zacharie montre que Jésus est le Serviteur humble et obéissant à qui le Seigneur a ouvert l’oreille, nous dit le prophète Isaïe (1èrelect.). Le Serviteur humble n’est ni fou ni naïf, sinon quelqu’un qui se confie et fait la volonté de Dieu. C’est pourquoi il ne cède pas et n’abandonne pas face à la souffrance, et même la mort. Malgré le sentiment d’abandon et de désespoir que souligne le psaume 21 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », le Serviteur humble implore l’aide de Dieu et sais sur qui il a mis sa confiance. Il est bon d’avoir l’oreille ouverte pour écouter
Jésus envoie ses disciples, ceux qui ont ouvert l’oreille à sa prédication préparer la Pâque « chez un tel ». Ce tel, c’est chacun de nous, celui qui écoute la voix du Seigneur qui nous parle au milieu des événements de notre monde en convulsion. La Semaine Sainte est comme un arrêt sur le chemin pour se rappeler et actualiser l’événement central de notre foi : la mort et la résurrection de Jésus. Mais c’est aussi nous qui mangeons et buvons avec lui, mais qui par la suite allons le trahir et le nier. Quand tout va bien, on bénit Dieu. En revanche, quand vient la passion, quand les choses vont mal, si la douleur nous visite, quand le coronavirus traverse le monde, alors que Dieu devient suspicieux ! Ce Dieu là ne nous intéresse pas parce qu’il ne résout pas par la force de sa puissance les problèmes que nous avons au quotidien. Paix, miséricorde, amour ! Qu’il est facile de le prêcher aux autres quand ils sont en situation difficile. Mais les difficultés nous visitent, nous nous prêchons plus cette paix, miséricorde et amour. Nous sommes donc frivoles, inconsistants. Aujourd’hui, nous sommes tous là avec des rameaux pour témoigner de notre foi, mais demain quand le Christ aura besoin de nous, nous ne serons plus là. Voilà notre manière moderne de nier le Christ comme Pierre l’a fait en son temps.
Mais face à la frivolité du peuple et de ses disciples, Jésus reste ferme. Il a une mission à remplir : celle de mettre le Royaume à la disposition de ses disciples comme son Père en a disposé pour lui. C’est surprenant, alors qu’on conduit quelqu’un vers la mort, ce dernier pense à construire la vie, sans peur ni regret. Ce Royaume du Père que Jésus veut transmettre à ses disciples est celui des serviteurs, et non des rois. La fidélité au service des autres. La vie, la passion et la mort de Jésus nous disent qu’il n’y a pas possibilité de Résurrection, de vie, si nous ne passons pas par la mort, c’est-à-dire l’abaissement, le dépouillement. Et pourquoi ? Parce que Jésus qui est Dieu n’a pas jugé bon d’être l’égal de Dieu, mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur, nous dit saint Paul. Jésus dévoile ainsi la véritable identité de l’homme et de sa destinée : nous avons été créés à l’image et à la ressemblance d’un Dieu serviteur. Nous portons en nous cette marque du service ; voilà notre identité. On se réalise comme hommes et femmes, si et seulement si, on est fidèle au service des autres, tel que Jésus l’a été. Voilà la royauté de Dieu qui est aussi notre royauté, si nous ne voulons pas nier notre nature humaine.
Jésus entre dans le silence de la vie, là où il n’y a plus de parole, là où l’action se fait contemplation. La Passion du Christ nous aide à regarder en face le drame que vit l’humanité aujourd’hui. Non pas pour condamner ceux qui crucifient Jésus, mais pour d’abord reconnaître notre part de responsabilité dans ce drame. Nous sommes en même temps les bourreaux et les victimes. Chacun de nous a besoin de porter sa croix jusqu’au bout ; mais très souvent on la laisse pour les autres. Dès lors, on cherche les responsables de la mort de Jésus. Oui, l’homme de notre histoire continue à chercher les responsables de la mort de Jésus dans les maux qui traversent notre monde, sans se reconnaître responsable de ce qui nous arrive. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné dans la situation qui afflige si brutalement notre monde ?
La Passion nous demande d’ouvrir notre tête et notre cœur pour découvrir la réalité de notre vie et de notre monde. Peut-être on s’identifie à celui qui trahit ou vend ses amis, sa famille ou son pays pour de l’argent ; l’homme qui met sa maison à la disposition de Jésus pour célébrer la Pâques ; la peur des disciples face au danger ; la fausse promesse de Pierre d’accompagner et d’être disposé à mourir pour lui ; la faiblesse pour prier des disciples. La Passion est le condensé de toute la vie qui n’est pas toujours facile à assumer.
La question que chacun doit se poser aujourd’hui est celle de savoir : quelle image avons-nous du Messie, de Jésus ? Les chrétiens attendent et reçoivent un Messie qui les encourage à mettre la main dans la pâte avec lui pour construire leur vie, qui les invite à la conversion de cœur, qui les encourage à travailler pour le Royaume en se mettant au service des autres. Nous voici donc chers frères et sœurs à la veille de la Semaine Sainte : assumons nos petites morts et célébrons nos petites résurrections en Jésus.
P. Pierre ZANGA, CMF